Parler de la Connerie qu’elle soit Collective ou Ordinaire
n’est pas chose facile quand il s’agit de le faire sans tomber dans le jugement. Car oui, le jugement de « connerie » est facile, que ce soit pour blâmer ou se moquer. Pour autant, le jugement n’apporte rien à la situation, si ce n’est une étiquette et des ressentis.
Afin de préciser les choses, il convient de préciser de quoi je parle dans les deux premiers livres de la collection : je parle de la connerie telle qu’elle existe au sein de nos modes de management, de nos attitudes lorsqu’il s’agit de mener à bien un changement profond comme une transformation managériale ou un changement marqué dans la culture d’une équipe ou d’une entreprise.
En consultant le dictionnaire, on peut lire que la connerie est de la stupidité, ou encore des paroles, des actions idiotes, stupides (Larousse). Pour décrire la connerie dont je parle, je trouve qu’il manque quelque chose à cette définition, il manque le complément : « dans un référentiel donné ».
La connerie est connerie dans un référentiel donné :
La connerie universelle, celle qui ne dépend d’aucun référentiel, d’aucune différence de culture, d’aucune différence de savoir, de perception, existe sans doute mais c’est encore à prouver, car il faudrait pouvoir la nommer sans la juger, or son nom est un jugement… C’est pour cela qu’il est difficile d’en parler, j’allais dire, objectivement, au risque de dire une connerie.
La connerie est connerie dans un référentiel donné, ce qui veut dire que la même action, la même parole, la même décision, dans un autre référentiel, ne serait pas une connerie. C’est à la fois un message d’espoir et d’anéantissement : comment savoir objectivement et a priori dans quel référentiel une action, une décision n’est pas une connerie ?
La connerie dépend du référentiel avons-nous dit, mais quel référentiel ? Eh bien, ce sont nos référentiels individuels et personnels faits, entre autres, de nos savoirs limités, de nos méconnaissances voulues ou non, nos ignorances connues ou ignorées, nos visions et compréhensions selectives, nos représentations du monde incomplètes, nos certitudes non vérifiées, la liste est infinie. Ces référentiels individuels sont tous différents, même plongés dans un même environnement. Or ces référentiels individuels sont nos guides pour attribuer l’étiquette de « Connerie » à ce que nous observons. C’est pour cela que nous sommes toutes et tous, à un moment donné, la conne ou le con de quelqu’un.
Le plus souvent, le diagnostic de « connerie » se fait dans le regard de l’autre, mais parfois, il nous arrive, dans certaines situations, de porter ce diagnostic à nous-même, généralement après la connerie faite ou dite. En fait, suite à notre action ou parole, le résultat obtenu nous fait prendre conscience de la lacune dans notre référentiel, en conséquence notre référentiel évolue et la connerie nous apparaît.
Notons que tant que nos référentiels respectifs n’évoluent pas en regard des résultats obtenus, nous restons dans l’impossibilité de voir la connerie, ce sont les autres qui la voient avant nous !
Le regard de l’autre a apporté des phrases mémorables et innombrables sur la connerie et j’en retiendrai trois, parce qu’elles me font rire et surtout, parce qu’elles contiennent des clés d’explication :
« Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait. » (Audiard / Les tontons flingueurs).
« La mort, c’est un peu comme la connerie. Le mort, lui, il ne sait pas qu’il est mort… ce sont les autres qui sont tristes. Le con c’est pareil… »(Philippe Geluck / Ma langue au chat)
« Tout le monde savait que c’était impossible. Il est venu un imbécile qui ne le savait pas et qui l’a fait. » (attribuée à M.Pagnol, et M.Twain aurait dit quelque chose de similaire)
Notez que la troisième phrase est du même type que la première phrase, mais liée à un succès, qui fait de l’ignorance de l’ignorance une force… lorsque l’action se déroule au coeur de l’ignorance des autres (tout le monde savait que c’était impossible et l’imbécile, dans le regard des autres, démontre le contraire) : la connerie pourrait donc être l’apanage des précurseurs !
Les deux premières phrases montrent trois caractéristiques de la connerie : l’ignorance dans l’action, l’ignorance réflexive et une notion d’échec liée à ces ignorances. L’ignorance est un point commun à toute connerie et il y a connerie lorsque l’ignorance n’est pas partagée (d’autres sont à même de savoir que ce n’était pas à faire), ou lorsqu’elle ne dure pas (vous vous rendez compte après coup que vous étiez ignorant de votre ignorance).
L’ignorance de l’ignorance de savoirs établis et démontrés, ou encore l’illusion de savoir (par exemple l’effet Dunning Kruger), est le fondement même de la connerie, si tant est que d’autres soient assez sachants pour la détecter. C’est pour cela qu’on peut être cons, voire très cons, en groupe : Les Contes de la Connerie Collective illustrent ce point.
Mais alors, comment parler de la connerie en évitant d’en faire une ? Je n’ai pas de réponse à cette question. Comment m’y suis-je pris pour écrire « Les Contes de la Connerie Collective » et maintenant « Le Tao de la Connerie Ordinaire » ? Assez simplement, en partageant mon expérience personnelle de la connerie, celle que je connais le mieux, ma Connerie à moi. Je l’ai pratiquée pendant des années, je l’ai peaufinée, choyée, et encore maintenant, je suis sûr d’être un Con aux yeux de certains, c’est normal, c’est notre lot à tous !
Il ne s’agit pas de parler de la connerie sous toutes ses formes et dans tous les domaines !
Il est clair qu’elle est présente partout. Ce que j’ai à transmettre concerne la connerie qui peut freiner voire empêcher les transformations managériales et l’innovation en entreprise. C’est sur ce thème que j’ai pris un peu de recul, non pas pour juger, mais pour décrire, de façon romancée (Les Contes) ou poétique (Le Tao de la Connerie Ordinaire), les effets de la Connerie, sa source, comment elle se propage si on n’y prête pas attention. Tout est dit dans cette dernière phrase : « si on n’y prête pas attention. »
J’ai eu la chance d’avoir des collègues, des amis, de la famille, des enfants, qui n’ont jamais hésité à me faire toucher du doigt ma connerie, mon ignorance, me permettant ainsi d’ouvrir les yeux sur son étendue et surtout sur le fait que je n’étais pas conscient d’être ignorant ! Ils ont fait en sorte que j’apprenne, non pas à être moins con, non, mais à y prêter attention, à accepter que la connerie fait partie de la vie.
Avec ces livres, je souhaite simplement inviter les lecteurs impliqués (ou simplement intéressés) dans l’innovation et les transformations managériales à prêter attention à ce qui pourrait devenir Connerie de leur part, sans tomber dans le jugement ni dans la leçon. Il serait impossible de donner des leçons générales car la connerie dépend du référentiel de chacun. Par contre, il est tout à fait possible à qui veut bien y prêter attention de tirer son propre enseignement de ses observations.
Dans le cadre de l’innovation en entreprise et des transformations managériales, Le Tao présente la Connerie Ordinaire, celle de nos quotidiens de manager, de leader, de responsable, d’équipier, celle insidieuse qui se faufile entre nos pensées, se nourrit de nos zones d’ombre et finit par rendre complexe voire impossible tout changement pourtant porteur de valeur pour les personnes, l’équipe et l’entreprise. Par réflection, le lecteur a la possibilité d’y prêter attention et, pourquoi pas, de dévoiler la Sagesse cachée au sein de la Connerie Ordinaire.
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